Lettre ouverte au Président de la République par Interim
Monsieur le Président,
Suite à l’entrée de notre armée à kidal, ce vendredi 05 Juillet, je me permets de vous interpeller sur un certain nombre de faits qui me tourmentent depuis la signature de l’accord de Ouaga. Je cite entre autres la suspension des poursuites judicaires, la réinsertion des combattants du mnla/aqmi dans nos rangs, la tenue prochaine des élections et le comportement des candidats à la proclamation des résultats.
Les échos de ouaga ne sont pas de nature à soulager le peuple malien sur les non dits de l’accord préliminaire signé entre le gouvernement de la République et les groupes armés. En effet, nous apprenons depuis quelques temps qu’il y aurait un certain accord non écrit faisant état du recrutement des combattants du mnla dans les rangs de notre vaillante armée nationale. Il est également fait mention d’un message véhiculé, sur les réseaux sociaux, par le porte parole du mnla, Mossa Ag Attaher demandant aux jeunes « touaregs » désireux de porter l’uniforme de bien vouloir envoyer leurs noms et coordonnées. Ce sont des rumeurs, me diriez-vous, sauf que cette fois ci à y regarder de très près ce que l’accord prévoit sur le redéploiement de l’armée malienne et ce qui se passe en réalité sur le terrain, je ne peux que rester sceptique sur la capacité du gouvernement à refuser une réinsertion militaire de ces combattants. Je vois les nombreuses concessions que vous ne cessez de faire au mnla et honnêtement, cela n’augure rien de bon. Si déjà, le gouvernement accepte, conformément aux vœux du mnla, de déployer qu’une centaine de soldats combattants, tout en refusant de dénoncer cette attitude et de continuer dans ce pilotage à vue, je crois que cet accord ne sera en fin de compte qu’un texte oublié dans les tiroirs et la satisfaction des vœux du mnla, la seule alternative pour le Mali d’éviter la guerre. Ces vœux sont nombreuses et que vous le reconnaissez ou non, l’insertion de ses combattants y occupe une place de choix.
La justice malienne a émis des mandats d’arrêt internationaux contre certains membres du mnla, ansar dine, mujao et aqmi au rang desquels Mossa Ag Assarid et Intallah, le fils de l’amenokal de kidal. Ces personnes ne sont pas veritablement étrangères au Mali et à ses services de renseignement. Nous savons par exemple que Mossa se pavane un peu partout en France, en Europe et même tout dernièrement à Ouaga dans le cadre la signature de l’accord. Ils étaient à Ouaga au moment de la signature des accords et le peuple malien a été témoin du poignet de main chaleureux entre votre Ministre de l’Administration territoriale, le colonel Moussa Sinko Coulibaly et Intallah, le representant de hcua, le recyclé d’aqmi. Nous avons serré la main et tenu des propos flatteurs à l’endroit de ces criminels devant les objectifs des medias nationaux et internationaux. Le Mali est il tombé aussi bas pour être dans l’incapacité totale de réclamer au Burkina et à la France l’extradition des criminels ? Si non, alors comment comprendre qu’ils ne sont pas inquiétés. J’aimerai donc savoir si le refus de signer un accord faisant mention de l’annulation des mandats d’arrêt internationaux a été juste un stratagème pour calmer le peuple ? Pouvez-vous nous dire si effectivement cette partie a été effacée dans l’accord pour être remplacée par un autre accord verbal de la part du gouvernement ? Il est temps que nous sachions en quoi nous nous sommes engagés et il est temps que le gouvernement arrête de nous ridiculiser encore et encore.
J’ai suivi avec beaucoup d’intérêts votre discours télévisé célébrant l’effectivité du recouvrement du territoire national. Cependant, j’ai été étonné de voir à quel point le Mali, mon Mali, était tombé si bas. C’était la deuxième fois depuis le déclenchement de cette crise que je me suis senti véritablement humilié. La première étant le jour ou une foule de jeunes manipulée s’en est prise à votre personne. La rentrée de l’armée malienne à Kidal était attendue par tous les maliens et constituait un moment de réjouissance populaire comme savent bien le faire les maliens. Je voyais déjà des automobilistes en plein délire, une foule en liesse entonnée l’hymne nationale, des drapeaux maliens flottants un peu partout en ville, les enfants dansant le « zimbo » dans les rues, bref, une liesse populaire comme lors des victoires des Aigles à la CAN. Hélas, la manière dont notre armée a pris position à Kidal n’a donné lieu à aucune manifestation. Vous avez peut être tendu les oreilles dans l’après midi du vendredi et le constat que vous en avez fait suffise à vous donner une idée sur le sentiment profond de tristesse du peuple. Le brin d’espoir suscité par la prise d’Anefis s’est éteint petit à petit laissant place à un sentiment de révolte populaire. Il n’y avait point d’honneur, point de dignité et encore moins de patriotisme. En rentrant sur la pointe des pieds et en se faisant guider nos choix par les rebelles touaregs qui sont allés jusqu’à nous imposer le patronyme des soldats acceptables sur cette territoire, nous avons confirmé, hélas, que kidal ne nous appartient pas.
Vous avez décidé d’envoyer 200 éléments, 150 soldats et quelques gendarmes et policiers, sans moyens véritables de se défendre. Autant dire que vous venez de donner 200 otages au mnla. Comme moi, les maliens ont suivi avec beaucoup d’attention les manifestations hostiles à la présence de l’armée malienne. Ces manifestants qui, d’après le chef de la délégation malienne, ne sont que des mômes téléguidés par les combattants du mnla qui d’ailleurs ne se cachent même pas. Ils ont transportés ces gamins à bord des pick up. Ils veulent pousser nos soldats à commettre un massacre et les connaissant bien, ne soyez pas étonné qu’ils le fassent, eux-mêmes, et faire porter le chapeau à l’armée malienne. Des insultes graves sont prononcées contre la mère patrie et les militaires, impuissants, ne peuvent qu’assister et ne rien dire encore moins faire quelques choses. Les partenaires les demandent de ne pas jouer aux provocateurs encore moins aux revanchards. Devant le peuple malien, le mnla déhanche à la « shakira » pour exprimer toute sa flexibilité, son arrogance et son mépris face à un adversaire, le gouvernement malien, qui semble édenté. On me dira que l’objectif est atteint avec la présence de ces soldats à kidal et que l’accord a produit ses effets. Il ya des maliens qui croiront effectivement que c’est bien et je respecte leur avis mais en ce qui me concerne ce fut un échec pour la simple raison que c’est l’armée malienne qui se trouve cantonnée et non les groupes armés.
La prise d’anefis quelques jours avant la signature de l’accord préliminaire de Ouaga avait fini par dissuader le mnla de s’opposer à l’armée malienne. La fuite de ses combattants consécutive à la détermination affichée par nos vaillants soldats suffisait à prendre Kidal et à y instaurer notre souveraineté pleine et entière. Pendant quelques jours, nous avons soupiré. Et le sentiment qui dominait la toile et les discutions dans les grins se limitait juste à un mot : « Enfin ». Ce n’était pas la victoire militaire en soit qui réjouissait le peuple mais plutôt la mise à nue de l’incapacité militaire du mnla à faire face à notre armée qui, il faut le dire, a été défaite par une coalition d’aqmi, mujao, ansar dine et le mnla. L’occasion s’offrait, enfin, à nous, de démontrer aux yeux du monde qu’aucune rébellion ne pouvait venir à bout, comme c’est le cas dans d’autres pays, de notre armée, mal structurée, certes mais déterminée à défendre le territoire. Je ne suis ni militaire, ni politique mais je sais que le choix que vous avez fait en stoppant l’avancée de l’armée et à signer un accord à Ouaga est comparable à une défaite. Si cet accord permettait d’avoir plus ou moins les mêmes résultats que la réalité du terrain, alors on pouvait applaudir votre gouvernement d’avoir gagné sans combattre. Vous aviez une occasion de vaincre militairement cette rébellion et Dieu m’est témoin que cela n’aurait pas été aussi dur que le présageait les analystes et medias internationaux. Mais vous avez préfèré faire marche arrière avec la conséquence que nous voyons aujourd’hui : l’armée y est interdite. Elle y est interdite car, si le filtre et le nombre sélectifs du mnla sont en vigueur sur notre territoire, nous devons admettre que ce mouvement a toujours la main sur notre 8e région et qu’il y interdit notre armée. Nous négocions pour rentrer chez nous quitte à se courber, se faire piétiner, insulter et humilier mais on rentre quand même. Et c’est ce que vous avez fait donc de grâce, épargnez le peuple de vos discours forts flatteurs.
Nous sommes à 20 jours de l’élection présidentielle. Je ne suis pas dans le secret des lieux mais j’aimerai savoir comment comptez vous faire voter une région ou tout est à refaire ? Je n’ai pas besoin de vous rappeler au passage que la région de Kidal ne se limite pas qu’à la capitale régionale, il ya les autres localités à savoir Tessalit, Aguel hoc, Abeibara et j’en passe qui ont presque oublié la couleur nationale. En 20 jours et compte tenu de l’évolution négative de la situation à Kidal, je reste sceptique quand au déploiement de l’administration dans cette partie du Mali, son installation et la reprise de service dans un délai aussi court. Or, vous n’avez cessé de le dire, ces élections sonnent le départ de la reconstruction d’un Mali nouveau avec un président doté d’une forte légitimité. A ce rythme, nous n’aurons malheureusement pas ce type de président car, une élection dénoncée dès le départ comporte des risques importants pour le peuple malien. Je regarde et je ne vois pas ce candidat parmi le trio gagnant annoncé qui acceptera facilement les résultats. Vous n’êtes pas sans savoir que dans les états major des partis, il se murmure que cette élection sera bâclée. Ceci est d’autant plus inquiétant que le trio dont il est fait mention et que je tairais volontiers les noms, dispose d’une base assez solide pour faire vaciller, je touche du bois, le pays dans un spiral de violences post électoral. Ils ne vous diront pas leur réaction après proclamation des résultats. Au contraire, ils signeront avec les autres partis politiques, une charte de bonne conduite dans le seul but de faire bonne figure devant les organisations internationales. Mais rappelez-vous que la charte reste juste un texte et que l’instinct de survie prend très vite le pas sur la raison. Aussi, ne serait il pas logique et surtout plus raisonnable de repousser l’élection afin de mieux l’organiser et éviter ainsi une crise potentielle ?
Je termine cette lettre en vous souhaitant, Monsieur le Président de la République du Mali, un agréable mois de ramadan à vous ainsi qu’à l’ensemble du peuple malien. Puisse ce mois béni nous apporter un climat apaisé et serein.
Que Dieu bénisse le Mali !
AKY
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