Chroniques de Lass
Nous ne sommes pas!
Nous avons l’impression de ne pas avoir notre place dans ce monde. Pour nous rien ne va plus, d’ailleurs rien n’a jamais bien tourné en notre faveur depuis que cette crise a éclaté. Nous sommes pauvre économiquement et misérable militairement, et n’avons que notre seule volonté pour circonscrire une crise multidimensionnelle.
Comme vous pouvez vous en rendre compte nous existons mais nous ne vivons pas. Tout simplement parce que la vie de la nation décline de plus en plus. Pas que nous soyons négatifs, c’est ainsi.
Parfois il nous arrive de penser à un arrêt total, d’en finir une bonne foi pour toutes avec cette mascarade. En ces moments nous envions les cités martyrs et leurs morts au fond des tombes. Eux qui se trouvent dans un repos éternel et spirituel n’ayant de compte à rendre à personne. Et surtout n’étant pas sujet à toute cette angoisse d'effritement qui nous submerge.
Nous les envions à cause de leur silence et de leur tranquillité légendaire. Comme nous aimerions être à leur place, à l’abri de toutes ces humiliations qui rongent la vie de notre pays et de tous ces Hommes qui oublient que le Mali a existé et que l’enfer n’est pas seulement pour les autres. Nous pensons que l’anéantissement total nous ferait beaucoup de bien que cette vie de la nation sans nom.
Alors l’envie nous prend très honnêtement d’abréger notre calvaire, de tout foutre en l’air.
Réflexion faite nous nous rendons compte que cette option extrême n’a jamais été la solution à un problème. Un effondrement total, serait un acte de pure lâcheté auquel nous ne devrions guère songer. Nous ne sommes pas les seuls à souffrir de cette situation. Ceux qui nous l’ont apporté souffrent autant que nous sinon de manière pire, lâchés qu’ils sont par les leurs.
Malgré cette évidence les contradictions se télescopent dans nos méninges. Il y a comme une obligation qui nous pousse à songer à mettre ce pays sens dessus – dessous, compte tenu de ce que nous vivons. Nous nous demandons bien ce que nous avons bien pu faire à ces apatrides et leurs alliés pour les porter comme une croix.
Nous nous indignons davantage chaque jour qui passe de l’insolence inouïe dont ils font montre, et jusque là bon gré mal gré nous essayons de nous contenir. Nous ne comprenons pas le fait que quelques individus puissent prendre tout un pays voir toute la communauté internationale en otage sur fond de mensonge. Nous n’avons personne pour nous consoler de cette présence militaire si nécessaire, pour nous apporter cette petite lueur d’un Mali un et indivisible.
Et d’aucuns ne comprennent pas nos malheurs et croient à tort que nous préparons une épuration ethnique. En ce moment nous mettons nos amis au nombre de ceux-ci. Et nous avons envie de crier ces malheurs avec la dernière énergie, de dire que nous nageons dans la désillusion la plus totale et que quelque part ils sont responsables de nos souffrances.
Ils le sont pour n’avoir pas su nous conforter dans la récupération de la partie du territoire jadis occupée par des forces obscurantistes, pour n’avoir pas su nous apporter l’aide dont nous avons le plus besoin. En d’autres termes ils le sont pour non assistance à pays en voie de partition. Ils le sont encore pour n’avoir pas su nous comprendre, pour n’avoir pas su nous secourir au moment où nous avons eu le plus besoin d’eux. Et surtout au profit de quelques aventuriers qui sont comptables de nos malheurs.
Voilà que le voleur crie au voleur et « nos amis » lui prêtent une oreille attentionnée. Nous ne sommes pas dupe, souvenez vous-en!
En fait nous ne devrions pas être sur terre pour souffrir uniquement des caprices de quelques égarés. Si telle est notre croix, notre destinée, nous préférons partir, tourner le dos à ce monde cruel. N’être qu’un obscur souvenir à oublier bien vite, un fardeau dont on se débarrassera au cimetière et qu’on oubliera pour la postérité.
Vous voyez chers amis du monde, le peuple malien reste sceptique quant à votre bonne volonté. Il lui arrive souvent de regretter d’avoir solliciter votre assistance. Cette assistance qui devient finalement de la m…. Pourquoi nos amis refusent cette présence militaire tant souhaitée ?
Figurez-vous qu’aujourd’hui ce peuple qui vous a applaudi vous plaint. Après avoir sacrifié certains de vos valeureux fils, qu’est ce que vous gagner ? Une complicité avec les terroriste et les alliés des terroristes, des preneurs d’otage, une complicité avec des trafiquants de drogues et d’armes et qui de surcroît vous éloigne de cette paix durable que toute une région réclame.
Qu’est-ce que nous pouvons faire maintenant puisque vous nous empêchez d’aller à cet endroit là ? Pire, vous canarder certains de nos compatriotes ! Tant de semaines d’abnégation volées en éclats, sur nous les mots les plus durs pleuvent et à tort.
Il est évident que le problème de « cette principauté » est très sérieux et nous cherchons tous à nous affranchir des bandits armés qui y vadrouillent.
Nous avons la même pensée à l’endroit de nos dirigeants au sujet de la libération totale du territoire malien. Une chose est sure le jour où il y aura une quelconque autonomie pour cette partie du pays attendez-vous à d’autres demandes du même genre. Ce jour là vous remercierez vos alliés de tout cœur pour avoir aidé au morcellement d’une civilisation multiséculaire.
Le passé nous a trompé, le présent nous décourage foncièrement et l’avenir, mes chers amis, nous préoccupe plus que tout, autant disparaître, comme nation, pour nous soustraire de cette ultime humiliation. Ou alors réagissez par devoir pour ce pays, nôtre!
UN PAYS BIEN SINGULIER (2e Partie)
En fait, et en une formule lapidaire, nous ne travaillons pas du tout pour un développement harmonieux. Nous ne sommes pas capables de planifier des programmes durables et viables. Pour preuve, certains de nos dirigeants se trouvent dans l’impossibilité d’expliquer de manière claire leur orientation politique. Nous nous rendons compte en ce moment précis qu’ils ne sont pas les vrais initiateurs de ces politiques, sinon pourquoi….? Et nous autres nous souffrons de cette situation surréelle.
L’angoisse se lit littéralement sur les visages ridés des vieux de cette population à l’image de nombreux vieux installés dans les grins dans les grandes agglomérations, sur les gwêlês sous l’arbre à palabre dans les contrées les plus lointaines, se demandant ce qu’ils vont pouvoir faire de leurs enfants. Leurs vieilles bouches édentées ont perdues tout sourire et toute joie de vivre.
Quand aux vieilles femmes elles se perdent en formules magiques ou mystiques et même divines, faisant le tour des marabouts, charlatans et autres marchands d’illusions. Pour la simple et bonne raison que l’échec d’un enfant retombe, à tort ou à raison, sur la tête de sa mère dans nos contrées. On est en droit de se demander la portée réelle de cette croyance fortement ancrée dans nos habitudes. Toujours est-il qu’elles sont les premières indexées. Dans cette tourmente elles restent les premières à souffrir dans leur âme et souvent dans leur chair. Alors que les causes profondes sont à rechercher ailleurs si on y prête attention.
Dans cette galère les marchands d’illusions de tous bords ont de beaux jours devant eux par ici. Cette nouvelle race de vampires ne recule devant rien pour plumer des citoyens incrédules. Dans cette histoire les torts sont partagés bien entendu. Et la situation accroît la lamentation des vieilles personnes qui s’apitoient très fréquemment sur le sort de leur rejeton tout en reconnaissant leur incapacité à apporter un semblant de réconfort à une situation qui les dépasse humainement.
Dans toutes les familles composant cette population il y a au moins un chômeur. Nous sommes souvent tentés d’affirmer que toute la jeunesse d’ici est au chômage, à l’exception notable de quelques privilégiés, tant les scènes de désolation sont nombreuses. Le fait le plus frappant reste la rareté des salariés en ce lieu, en effet rares sont les familles dans lesquelles il y a plus d’un salarié. Très généralement ce sont les chefs de familles qui le sont et qui peuvent parfois prendre en charge plus d’une dizaine d’individus ou sont à la retraite et jonglent avec leurs maigres pensions pour apporter quelque chose dans l’assiette familiale.
Ces facteurs combinés à la cherté de la vie contribuent à accroître la misère de ces populations. Ici le coût de la vie prend toujours des proportions vertigineuses tout le temps. Et les prix qui ne cessent de grimper ne connaissent jamais de courbes descendantes. Cette situation contribue à accroître la paupérisation de la population sans nul doute. Peut-on imputer tout cela à nos chères mères ?
A Kônônafilisso les scènes de réjouissance se font de plus en plus rares et la jeunesse se désintègre progressivement. Toutes les choses marchent à contre-courant dans ce pays. Ne me demandez surtout pas sa situation géographique, car je ne saurais la décrire avec exactitude. Tout ce que je sais, c’est qu’il se situe quelque part, au cœur même du Sahara Africain et fortement habitée par une population disparate.
C’est un véritable melting-pot où se côtoient diverses ethnies, des populations de toutes les conditions sociales et économiques et même des étrangers. Aussi de très belles maisons y côtoient des baraques pour ne pas dire des paillotes. Dans ce pays surpeuplé majoritairement de jeunes, la vie est loin d’être un havre de paix. A Kônônafilisso enfin et à l’instar de tous nos pays au sud du Sahara la jeunesse est confrontée à un scénario mélodramatique.
A propos de cette jeunesse la situation offre un tableau d’une mélancolie indescriptible. Villes et villages sont à peu près au même niveau. Simplement le constat est plus amer dans les villes à cause de la forte concentration des populations. En effet depuis plus d’une décennie les jeunes sont complètement désabusés et essayent tant bien que mal de donner un sens à leurs existences. Malheureusement le fossé qui s’est ouvert devant eux au fil des années est énorme et n’est pas prêt de se rétrécir.
Ici nous héritons des conséquences impitoyables de la mauvaise gestion de nos décideurs successifs. Une mauvaise gestion qui perdure encore de nos jours malgré le « changement ».
En analysant la conduite des individus composant la population de ce pays, nous constatons que la grande majorité ne suit pas les principes de vie élémentaires. Il s’agit de l’éthique, comme principe de base - de l’intégrité - de la responsabilité - du respect des lois et règlements - du respect pour le droit des autres citoyens - de l’amour du travail - de l’effort à l’épargne et à l’investissement - du désir de dépassement - et de la ponctualité.
A Kônônafilisso, seule une minorité suit ces principes de base. Nous sommes pauvres non parce que nous manquons de ressources naturelles ou parce que la nature a été cruelle avec nous. Nous sommes pauvres parce que nous ne prenons pas une attitude. Il nous manque la volonté pour accomplir et enseigner ces principes de fonctionnement. Et sans cela il serait hasardeux de prétendre à une émancipation économique. Et tout être endetté restera dans les chaines de l’esclavage jusqu’au paiement complet de sa créance.
Dans cette incertitude consécutive à toutes ces dérives, nous assistons également impuissants à la dépopulation de nos campagnes, jadis pourvoyeuses de ressources céréalières, pastorales et halieutiques. Et nous ne pensons même pas à la possibilité de fixer les ruraux dans leurs terroirs. Ici la pauvreté n’est pas un vain mot, elle fait partie du quotidien.
De l’autre côté ceux qui sont passés par les écoles connaissent une situation presque identique à celle des jeunes ruraux. Après de longues et dures années à s’essuyer les f… sur les bancs de l’école cette jeunesse se retrouve sans rien ou presque rien. Et dans cette atmosphère de sauve-qui-peut, il n’est pas donné à n’importe qui de se reconvertir. Et les tergiversations vont bon train.
Si à la campagne nous n’arrivons pas à nous départir de cette agriculture médiévale, en ville c’est l’à peu près des décideurs qui plonge la jeunesse dans les tourments du chômage. Et les recettes pour y remédier ne font qu’empirer la situation, car ne pouvant résoudre que l’immédiateté.
Lassana Tangara
UN PAYS BIEN SINGULIER
Ici la vie offre un spectacle indescriptible surtout au sujet de l’insertion professionnelle de la jeunesse. Le chômage est devenu une catastrophe nationale qui a pris racine dans la durée. Et les solutions pour y remédier se font attendre. Les vieux se désolent de ce que devient la jeunesse d’aujourd’hui et regrettent avec beaucoup d’amertume leurs époques. Il n’est pas rare de les voir évoquer avec une profonde tristesse les périodes « délicieuses, les périodes où l’on faisait la pluie et le beau temps ». Enfin les périodes où il était relativement agréable de vivre par ici. A cette époque la jeunesse pouvait se prévaloir d’être concernée par la construction du pays.
Avant même de décrocher un parchemin le futur diplômé était promis à un emploi tout frais. Certains de nos établissements ont ainsi eu le privilège de former des cadres pour la grande administration et ses démembrements. Des cadres plus que valables, qui faisaient la fierté de toute l’entité. Nos pères qui ont dirigés les premiers pas de la jeune entité étaient soucieux de son dévernir. Et en ces temps la formation était une priorité et l’amour de la patrie se manifestait dans les comportements de tous les jours. Qu’il est loin cette période…
Il est clair qu’à ce moment, cette manière de faire correspondait, bien entendu, aux besoins de la jeune entité. Au stade actuel des choses les anciens ont du mal à reconnaître leurs chers pays. Ceux qui ne sont plus, heureux soient-ils, n’assisteront pas à l’effondrement de l’édifice qu’ils ont si chèrement bâti. Ceux d’entre eux qui sont parmi nous encore et qui ont de la conscience, regardent tristement la dégradation de cette entité, jadis respectée à cause de la qualité de ses cadres.
A regret ceux d’entre eux qui ont la fibre patriotique se sont dessaisis des affaires publiques, laissant du coup le pays aux mains des charognards… Et au nom d’une gérontocratie qui perdure ces vautours s’accrochent encore aux commandes avec la dernière énergie. De ce fait ils piétinent tout effort de développement. Ils ne veulent pas admettre qu’ils ont échoués, alors qu’ils ont essuyé un échec cuisant et sont les seuls à ne pas s’en rendre compte. Ils n’ont pas pu émerger du temps de leurs contemporains, parce que médiocres, alors ils usent d’intimidation avec leurs fils, beaux-fils et même petits fils pour s’illustrer.
La grande administration se trouve complètement infestée par ces gérontophiles qui font tout sauf ce pourquoi ils émargent au budget de l’entité. Et dans le même temps la nouvelle génération se morfond car de la première république à maintenant rien n’a changé. Ce sont les mêmes qui dirigent, ils ont seulement changé de costume.
Aussi ahurissant que cela puisse paraître ils sont très actifs sur la scène politique. Ils animent les formations politiques et les financent avec les deniers publics. Comment comprendre en effet que des hommes et des femmes œuvrant dans le secteur public puissent s’astreindre à une cotisation mensuelle frôlant le demi-million ? C’est dire tout simplement que ce sont des spoliateurs. Et ils ne disposent d’aucune recette pour faire avancer ce pays.
Cette situation fait naître un phénomène de malaise général au sein de la jeunesse. Une jeunesse qui n’a même pas la petite possibilité de prétendre à un apprentissage postscolaire, une jeunesse à l’avenir sérieusement compromis. La faute, je pourrais dire, à cette désinvolture dans le fonctionnement de l’entité étatique. Nous sommes dans un carcan intellectuel indescriptible. Tout le monde fait la même chose par ici. Certains cadres véreux, qui ont eu le privilège de s’illustrer, érigent aujourd’hui en monstres destructeurs. Ils piétinent allègrement la formation et mettent l’Etat sur le dernier banc des nations de ce monde.
Le goût du luxe rend nécessaire la richesse et cette dernière devient la vertu, l’objectif à atteindre à tout prix et non le bonheur du peuple. Par ici on oublie les fondamentaux d’un développement viable au nom du luxe, or d’après ROUSSEAU « le luxe corrompt à la fois le riche et le pauvre, l'un par la possession, l'autre par la convoitise ; il vend la patrie à la mollesse, à la vanité ; il ôte à l'Etat tous ses citoyens pour les asservir les uns aux autres, et tous à l'opinion ».
Quand on sait que le secteur industriel demeure le premier signe extérieur de développement d’un État, on se rend compte du fossé qui nous sépare des autres. Ici ce secteur est frappé par une grave pénurie, faute de patriotisme et surtout à cause d’un manque criard d’initiative. Que dire des métiers de la construction ?
Dans les écoles de l’Etat ces filières sont sur le point de fermer boutique faute d’apprenant. Et pour un État en construction ce sont des cadres d’autres contrées qui se disputent le marché des gros œuvres. On trouve cela très normal et personne ne s’en offusque.
Il est juste que nous subissions là les conséquences de l’évolution de la société. Évolution que nous n’avons pas su prévoir. Ici nous n’avons pas eu la présence d’esprit que la situation serait pénible un jour. Et qu’il fallait renforcer certaines orientations tout en créant de nouvelles. Préoccupés par autre chose nous nous sommes toujours retranchés derrière une hypothétique providence qui relève du domaine du surnaturel.
L’improvisation accompagne toutes nos activités et dans les rares projets de construction à long terme une symbolique allusion est faite à la jeunesse. Ce qui nous manque le plus aujourd’hui, ce sont des intellectuels capables de réfléchir les lendemains. Et surtout une organisation adéquate, une rigoureuse application dans les activités entreprises aussi bien au public qu’au privé.
Malheureusement de nos jours l’administration du pays est dominé par des individus sans foi ni loi qui s’alignent pour une course de vitesse aux richesses et le culte de la médiocrité. Ils foulent aux pieds tout effort d’épargne et partant d’investissement. Or sans épargnes il est impossible se songer aux investissements et partant à la création d’emplois.
Ici ceux qui crèvent l’écran sont des artistes, des sportifs, des opérateurs économiques occupés à remplir leurs poches à la faveur des décideurs…car la plupart de ces commerçants s’endettent auprès des institutions financières avec l’épargne du citoyen lambda. Non seulement leurs affaires ne marchent pas véritablement, parce qu’ils ne font rien dans ce sens ; mais encore et pour le plus grand malheur des clients des institutions financières et autres caisses d’épargne et de crédit, ils affichent des airs de Pachas. Et quand ils quittent ce monde bonjour les dégâts.
Ou alors ce sont des commerçants de paille qui œuvrent pour certains décideurs, comme le blaireau et le porc-épic. Et curieusement dans le lot des lettrés on ne retrouve que des cadres soucieux à changer de poste sans véritablement apporter quelque chose de positif à l’Etat......
A suivre..