Le secteur agricole, notre atout
Les enseignements tirés de cette crise multidimensionnelle nous dictent un nouveau mode de pensée et d'agir. La mise à nue de notre réelle capacité, la précarité ahurissante de notre état et notre grande dépendance de l’extérieur nous ont ouvert les yeux sur un certain nombre de points qui se résument en une phrase : la main demandeuse est toujours en bas. Dans cette étape douloureuse de notre existence, nous avons pris la mesure de notre limite mentale de réflexion, d'action et de synthèse.
De l'indépendance à nos jours, nous avons fait du chemin, reste maintenant à savoir si les progrès significatifs enregistrés sont satisfaisants eu égard aux possibilités qui nous ont été réellement offertes et si nous avons utilisé de façon efficace et efficiente les ressources disponibles. Il est de coutume chez nous les maliens de faire des comparaisons, entre régimes sur la base des réalisations faites, non pas par rapport aux programmes et objectifs fixés par une équipe, mais plutôt par rapport à celles des prédécesseurs. Il ne suffira pas, par exemple, de comparer le taux de bancarisation ou d’électrification sous le régime d’ATT par rapport à celui d’AOK pour dire qui des deux (2) a effectivement apporté quelques choses à ce pays. Il s’agira plutôt de voir ce que le régime d’ATT devait faire comme réalisation compte tenu des ressources à sa disposition et des priorités du moment et faire également pareil pour les autres régimes. Quant à ma perception des bilans de différents régimes qui se sont succédés, je dirai que seul Modibo KEITA, le 1er président Malien a su avoir une vue d’ensemble cohérente sur notre société. Sa politique, basée sur l’autosuffisance alimentaire, a posé les jalons d’une vraie nation qui était appelée à se prendre en charge sans autres formes d’aides extérieures. Dans sa vision, une nation ne pouvait se permettre de taper la poitrine si les habitants n’avaient pas le minimum vital. Sa priorité s’est inscrit dans ce domaine précis et le résultat, on l’a bien vu. Un autre exemple typique demeure celui du feu Thomas SANKARA qui fût de l’autosuffisance alimentaire, sa pierre angulaire dans la construction d’un Etat respecté du Burkina Faso. Ces deux exemples pour signifier que la notion d’indépendance, pour nous comme pour beaucoup de pays africains, n’a de sens que si la priorité des priorités, l’autosuffisance alimentaire, est atteinte.
Dans ces 3 dernières décennies, Le Mali s’est métamorphosé avec la construction tout azimut des monuments, des voies bitumées, des échangeurs, des ponts, des immeubles, des villas qui poussent comme du champignon mais au finish, le problème fondamental est resté le même: l’autosuffisance alimentaire. L’embellissement d’une ville est, certes, intéressant mais l’autosuffisance reste le seul baromètre d’un mieux-être de la société. Un affamé ne peut pas admirer une voie bitumée ou un joyau architectural si son assiette demeure vide une semaine sur 3. Il est du devoir des autorités de savoir qu’un peuple affamé est susceptible de se révolter à tout moment et à mettre en mal toutes les avancées « significatives » par la destruction pure et simple des édifices nationaux, de casses de feux tricolores et l’instauration d’un climat d’insécurité généralisée.
Et pourtant, le Mali, pays à vocation agro pastorale, devrait se plaindre de tout sauf de l’autosuffisance alimentaire, ironie du sort. Il recèle d’importantes ressources en terres, eaux, cheptel, pâturage, flore et faune. L’économie malienne repose essentiellement sur le secteur agricole (agriculture, élevage, pêche et foresterie) qui occupe plus de 70% de la population active, contribue à hauteur de 43% au PIB et fournit 30% des recettes d’exportation. Si l’on s’en tient aux documents légaux mis à la disposition des citoyens, on est tenté de reconnaitre que le gouvernement donne la priorité absolue au secteur agricole. Mais détrompons-nous, toutes les lois, mesures et subventions ne sont, en réalité que des occasions offertes à une classe sociale d’accentuer leur domination sur le bas peuple. Ainsi, La Loi d’Orientation Agricole (LOA) qui vise l’affectation de 20% du budget national par an au secteur rural est une des lois promulguées par le régime d’ATT pour, dit on, pallier aux insuffisances du secteur mais qui se trouve être malheureusement l’un des moyens pour faire « brouter » certains camarades. De la promulgation de cette loi, ont été crées, le Fonds national de développement agricole, le Fonds national des risques et des calamités agricoles et le Conseil supérieur de l’Agriculture. Des structures dont l’efficacité ont été éprouvées à maintes reprises. Et si ce n’est que les agriculteurs dépendent de leur culture, on aurait assisté à une véritable grève dans ce secteur. Les maliens se souviendront également de l’échec prémédité de la fameuse initiative « riz », financée à coût de milliards et qui a permit à un certain nombre de personnes de bien remplir les poches. De la poudre aux yeux comme dirait l’autre. En réalité, les décaissements effectués pour le compte des paysans transitent dans un autre compte. Tout est détourné. Le citoyen lambda peut il se retrouver dans ces domaines bureaucratiques ou le responsable demeure sans contact formel avec les cibles et où les agents revendent les insecticides et autres produits destinés aux pauvres paysans ou encore mieux, le gouvernement décaisse des milliards au profit de quelques individus pendant que la masse souffre de faim? Les réalités du terrain nous enseignent que non. Le paysan ne voit que dalle. Il continue de louer la bienveillance de Dieu pour une saison pluvieuse bien remplie et espérer nourrir sa famille. Il faut que cela change et il est temps que le gouvernement prenne les mesures de ces dysfonctionnements qui mettent en mal l’avancée notoire de notre cher et si beau pays. De la croissance, nait le développement ; de l’autosuffisance nait la croissance et la modernisation du secteur agricole assure l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire. En d’autres termes, modernisons notre agriculture pour espérer le développement.
La modernisation de l’agriculture demeure pour les pays subsahariens comme le nôtre, un secteur important pour l’atteinte des objectifs du millénaire. L’office du Niger, un atout de taille, devrait être mis en valeur et occuper une place de choix dans tous les programmes qui nous seront présentés lors des élections prochaines. Il nous faut adopter une vision globale, en moyen et long terme, fondée sur le secteur agricole. Cette perspective nous mettra de concilier l’utile, la satisfaction des besoins alimentaires, constructions d’infrastructures scolaires et sanitaires, à l’agréable, mises en place des autres commodités non essentielles à la vie. Nous osons espérer que le nouveau président saura mettre en avant l’efficacité en lieu et place du snobisme.
AKY
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 46 autres membres