La contribution du financement bancaire à la croissance économique
L'un des premiers économistes à aborder la question de l'importance du secteur financier dans le développement d'une économie est Schumpeter (1911) qui observe : «on ne peut devenir entreprise qu'en ayant été préalablement un débiteur ». Il montre ici que l'accession à la croissance et au développement se réalise en grande partie par l'intermédiation des crédits bancaires.
Les modèles de libéralisation financière développés par McKinnon et Shaw (1973) estiment qu'on peut accroitre le niveau d'investissement interne en stimulant l'accumulation de l'épargne qui aboutit a un meilleur octroi des crédits et une incitation a la concurrence des institutions financières. De même le modèle de stock flux exposé par Godley et Cripps (1985) basé sur le circuit de la finance, de l'investissement et de l'épargne introduit la finance dans le processus de multiplication pour expliquer comment l'épargne est générée a travers la création des revenus. Ce modèle permet de développer une approche systématique du rôle des institutions de financement dans le processus de croissance économique ; ces institutions étant principalement des banques et des Institutions de Microfinances dans les pays d'Afrique Subsaharienne.
Au Mali, la fin des années 90 a été marquée par une croissance phenomenale du circuit financier avec la création, tout azimut, des structures de microfinances adaptées à nos réalités. Les banques étant considérées inaccessibles pour la majeure partie des citoyens dont le niveau d’activités ou de revenus tout simplement ne permettent pas d’adhérer aux principes sacro saints des banques. La réalité du terrain était telle que seules les structures de proximités dotées d’un mécanisme simple de dépôt et d’octroi de crédits pouvaient permettre aux couches les plus défavorisées de financer leur petite activité génératrice de revenus. Ce secteur, véritable moteur de développement, s’est cependant heurté à des difficultés considérables dans sa mise en œuvre. Si les premières caisses du secteur se sont faits une renommée, force est de remarquer que la plus part ont mis la clé sous le paillasson après quelques années d’activités. Les causes sont de plusieurs ordre et partagés entre les intervenants du secteur, les banques et SFD d’une part et d’autres part les clients sociétaires eux mêmes. Et comme à l’accoutumée au Mali, l’Etat, à travers la justice, se trouve à l’intersection de ces deux axes de causalité. L’observation analytique du destin fatal de l’un des pionniers du secteur à savoir la caisse Jemeni nous indique, à l’image des autres caisses en difficultés, que le manque de professionnalisme et/ou de sérieux des acteurs, agents de crédits, recouvrement, service juridique, constitue à lui seul plus de 60% des échecs, 20% pour les clients débiteurs et le reste aux dysfonctionnements de l’appareil judiciaire qui ne permet pas aux SFD d’user de toutes les voies de recours pour rentrer en possession de leur dû.
La difficulté majeure de nos SFD réside plus dans le volet « octroi de crédit» que dans le processus de dépôt et de retrait, plus simple d’utilisation. Succinctement, si les clients déposent et retirent facilement leur épargne, les difficultés d’accéder aux financements sont source d’acrobaties incessantes. En effet, la plus part des sociétaires se voient obligés de corrompre les agents de crédit pour avoir un financement et espérer ainsi financer leur activités. Cette corruption généralisée devenue légion dans la plus part de nos institutions rend ainsi l’étude du dossier de financement plus facile puisque l’agent en question fait fi de toutes les règles d’orthodoxie financière, d’étude de faisabilité et de rentabilité de l’activité ou pire de la garantie existentielle, gage de réduction du risque crédit. Le sociétaire ainsi financé, conscient donc des conditions d’emprunt ne manifestent que très peu de volonté non seulement de rentabiliser ce fond emprunté mais aussi et surtout le souci de rembourser le prêt. Il arrive, très souvent, de voir des dossiers de crédit mal ficelés et des contrats ou convention de prêt non signés. Des dossiers qui signifient que les SFD ne pourront donc pas faire valoir leur droit si toute fois le débiteur se montre de mauvaise foi. Dans le même ordre d’idées, les SFD disposent, généralement, d’un service interne de recouvrement qui, concoctent avec le débiteur des programmes de paiement assez insignifiants sans tenir compte de l’incidence de ces impayés sur le fonctionnement global de la structure. Ces agents, aussi corrompus que leurs collègues de crédit, proposent aux débiteurs le paiement d’une tranche, à eux encaissés, au détriment du remboursement de la créance et donc de mobilisation de fond pour une autre personne. Du lot, il se dégage des affaires pour lesquelles, le minimum de mesures est pris pour permettre aux SFD d’user des voies de recours c'est-à-dire la Justice. Cependant, que ne faut il pas voir dans ces juridictions quand on sait que certains débiteurs restent sous couvert soit des politiques, soit des magistrats eux-mêmes. L’absence d’un climat serein au niveau de nos tribunaux demeure un souci réel dans l’octroi des crédits par nos banques et SFD mais aussi dans l’attrait des investisseurs potentiels pour notre économie. Le phénomène est décriant et il urge de rendre à notre Justice un minimum de sérieux et de diligence dans les affaires commerciales. Un mauvais arrangement vaut bien qu’un bon procès, à t-on l’habitude d’entendre mais ce qui est épatant, c’est le fait de voir que cet adage ne concerne pas que le surplus de frais, d’enrôlement, de représentativité des avocats à la barre et encore moins du temps et des allez retours dans les tribunaux. Mais du fait que les affaires pendantes par devant les Tribunaux font l’objet d’un marchandage entre débiteur et Magistrat sensé rendre un jugement sur la base des documents contractuels et qui est de nature à pénaliser les créanciers c'est-à-dire les banques et SFD.
Il est évident qu’actuellement, le système financier spécialement les SFD devrait constituer un dispositif financier important de la lutte contre la pauvreté. L’accès au crédit et autres services financiers à coût abordable devrait avoir une incidence directe sur la régénération des revenus à travers la création d’activités et d’opportunités économiques. Mais les exigences liées à une gestion rigide, les taux élevés des crédits qui n’incitent à l’investissement, le manque de soutien de l’Etat pour circonscrire les risques spécifiques des SFD, les approches ne s’inspirant pas de stratégie locale de solidarité et de gestion de difficultés, sont entrain d’éloigner les SFD d’une grande catégorie de pauvres. Il y a lieu de faire une innovation dans le sens permettant aux SFD de financer des micros investissements avec une capacité d’assistance et de conseil en gestion à ces opérateurs pour la création d’emplois.
Il faut trouver un mécanisme permettant aux SFD de financer et d’apporter les appuis nécessaires à deux franches d’acteurs : les délaissés actuels à cause de leur extrême pauvreté « population à risque » et ceux pour lesquels il existe un besoin d’investissement à moyen et long terme. Une démarche nouvelle avec des moyens plus conséquents (révision du système de garantie, de taux, l’assistance sans ingérence) doit être mise en œuvre.
La rigueur et la maîtrise des charges de gestion doivent être strictement appliquées au sein des SFD. La banque malienne de solidarité du niveau national et la banque régionale de solidarité, ont été créées pour permettre de répondre à certaines insuffisances notamment le refinancement des SFD à coût abordable et aux privés de retrouver des possibilités d’un départ accompagné et une rentrée suivie dans le formel. A cet effet, une vraie synergie est nécessaire avec les SFD afin que ces nouvelles initiatives ne s’étouffent dans une autre réglementation contraignante. Il faut qu’il existe au niveau politique des actes concrets pour conférer aux structures de micro finance, la décentralisation soutenue du financement et préciser les différents moyens pour l’atteinte des objectifs fixés.
AKY
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